Yves Lefèvre naît le 29 novembre 1923 à Nesle, Somme.
"Né en 1923, il est issu d’une famille recomposée par la guerre de 14-18.
Sa mère, enceinte de Robert, fût veuve quinze jours après son mariage avec un poilu qui succombera dans les tranchées.
Elle se remarie avec Mr Lefevre et donne naissance à Roger puis deux ans et demi plus tard à Yves.
Deux années ensuite naîtra Yvette leur sœur.
La famille est originaire de Nesles dans la Somme et déménagera beaucoup :
Villiers-en-Vexin, Cluses, le Mans, La Loupe.
Son père décède à 44 ans en 1933 et les deux frères Yves et Robert sont placés chez des parents en ferme.
Sa mère essaie de subvenir aux besoins de toute la famille comme femme de ménage à Cluses où elle récupère finalement ses enfants.
Elle rencontre Victor qui travaille dans le bâtiment et un nouveau couple se forme.
En 1935, ils s’établissent au Mans en gérance d’un familistère.
Yves passe son certificat d’étude et commence à travailler avec son beau-père qui est plombier-couvreur de métier.
Cela ne lui convient pas et il change souvent d’emploi.
La guerre éclate en juin 1939 alors qu’il est employé dans un magasin de vêtements à l’âge de seize ans.
Il quitte à nouveau son emploi pour s’inscrire chez Renault au Mans où l’usine fabrique des chenillettes pour l’Armée française.
Juin 1940, c’est l’exode en direction de Lude mais les allemands arrivent les premiers et les obligent à un retour au Mans.
Mais chez Renault, désormais obligée de travailler pour les allemands, les conditions ont changé.
Les premiers sabotages industriels ont lieu dans l’usine du Mans et la Gestapo intervient pour tenter d’arrêter le processus.
Sous les bombardements alliés, les ouvriers sont contraints de continuer le travail.
Un jour, c’est la centrale électrique qui tombe en panne et l’usine s’arrête en attendant les réparations.
En 1941, Yves Lefevre quitte Renault et s’en va loger dans un petit hôtel pour échapper aux premières réquisitions de main d’œuvre pour l’Allemagne.
L’occupant annonçait la libération d’un prisonnier français contre trois travailleurs volontaires.
Yves rejoint ses parents à La Loupe où ils ont pris la gérance de l’hôtel du Chêne Doré sur la grand-place. La nourriture est meilleure qu’au Mans et des officiers allemands sont les clients assidus de l’hôtel.
Son beau-père, Victor, écoute en cachette la BBC et informe Yves de la situation de la guerre.
Victor sera dénoncé et fera une semaine de prison à Chartres.
Yves est embauché à l’usine Gouin pour tourner les manches de pioche mais doit quitter rapidement son emploi car les soldats veulent l’envoyer en Allemagne.
Il est rattrapé par le STO et doit rejoindre le Mur de l’Atlantique pour travailler sous la direction de l’organisation TODT. Là, les sabotages se multiplient mais les constructions de blockhaus avancent tout de même.
Sous un uniforme avec deux cents raflés de son âge, il travaille, encadré par les militants de la LVF tandis que les bretons les insultent en pensant qu’il s’agit de volontaires.
Il décide de fuir et se fait porter malade à Quimperlé avec un copain.
Une famille de la région les accueille pour un petit repas et ils repartent vers la gare d’Auray en se hissant sur un train allemand.
Sautant en marche, ils attrapent un train pour le Mans et, de là, retournent à La Loupe retrouver la famille Lefèvre.
Mais la police allemande le recherche chez ses parents et Yves est obligé de repartir à Mesnil-Broult chez son oncle Louis qui est boulanger.
Il veut rejoindre l’Angleterre mais n’a pas de contact pour cela.
Quelques temps après, il retourne à La Loupe où il apprend que son frères Roger, déporté à Cherbourg, s’est aussi évadé et avait pris contact avec un groupe de résistants.
Yves et Roger rejoignent le groupe formé avec une dizaine de jeunes de la région de La Loupe par Jean Renauldon, vétérinaire et lieutenant de réserve, qui possède un Ausweis et véhicule pour son métier.
Le groupe prend le maquis au lieu-dit Les Crottes sur la commune de Frétigny quelques jours avant le débarquement du 6 juin 44.
Ce groupe fusionnera avec d’autres pour former le Maquis de Plainville.
A l’hôtel de La Loupe, des envoyés de Londres séjournent clandestinement parfois quelques jours, au milieu des officiers de la Wehrmacht. Dans les caves, un lot d’armes est caché par la Résistance.
Au maquis c’est l’entraînement au tir sur les mitraillettes Sten parachutées et les sorties nocturnes de sabotage : coupure de lignes, détournement de pancartes routières, pose d’explosifs.
Un gros travail de sabotage sera exigé pour couper à plusieurs reprises le câble téléphonique enterré qui relie le commandement Ouest allemand de Saint-Germain-en-Laye au Mans.
Le 18 juin 1944, une escadrille alliée bombarde et détruit une partie de La Loupe et son nœud ferroviaire. Il y a 70 morts civils dont la mère et le beau-père des frères Lefevre qui ont péri sous les ruines de l’Hôtel du Chêne Doré.
Ils quittent le maquis pour se rendre à La Loupe mais ne peuvent que constater le désastre. En déblayant les gravats pour retrouver les corps, ils sont mitraillés par des avions alliés.
C’est très dur de continuer la lutte dans ces conditions et plusieurs jeunes maquisards cessent toute activité militaire.
De retour au maquis, les frères Lefevre vont continuer malgré tout : libération de Nogent-le-Rotrou et de Chartres, arrestation de fuyards allemands.
Dernier domicile : 1 rue Joliot Curie 28240 LA LOUPE
Après le maquis, Yves Lefevre participe à quelques opérations de maintien de l’ordre sur la Loire avec le bataillon puis décide de rejoindre l’armée nouvelle qui se constitue.
Affecté Place Balard à Paris, il déserte au vu des tâches de cuisine qu’on lui confie et va s’engager au 2e régiment de parachutistes.
Il fait ses classes en Angleterre et participe à la campagne hollandaise et se reçoit mal. Blessé, il est évacué.
Rétabli en Angleterre, il fera la préparation de la campagne du Japon, mais la fin de la guerre le 8 mai sonnera enfin pour lui.
Refusant de poursuivre avec l’armée dans la guerre d’Indochine, il est démobilisé et se reconverti en chauffeur de taxi à La Loupe.
Il a été décoré de la Légion d’Honneur."
(Biographie réalisée par l’association CEDREL, Centre d’Études et de Documentation sur la Résistance en Eure-et-Loir.)