Émile Joseph Poizat naît le 21 janvier 1921 à Givors (Rhône).
Engagé volontaire pour la durée de la guerre à l’École d’Artillerie de Poitiers le 20 septembre 1939, il est muté le 20 novembre à l’École de l’Air de Bordeaux.
Il gagne Casablanca et rejoint le 4 janvier 1940, l’École de pilotage 105 à Meknès, comme élève-pilote.
En juin 1940, avec son camarade Roger Donnadieu, aspirant comme lui, et le sergent mécanicien Robert Romual , il prend part au projet de leur moniteur Georges Perrin et de Pierre Blaize , à savoir : rejoindre l’Angleterre coûte que coûte.
Le 3 juillet 1940, ils réussissent à s’évader du Maroc à bord d’un Caudron Goëland, comme le relate Georges Perrin dans son témoignage "Évasion du Maroc pour l’Angleterre" :
"Moniteur de perfectionnement au pilotage à l’école de Meknès, j’assure, jusqu’au 18 mai 1940, le perfectionnement de douze pilotes. A cette date, les évènements se précipitent en France, mais le Maroc est loin et les informations très contradictoires ne nous permettent pas de comprendre la situation.
L’ordre arrive de cesser l’entraînement et les moniteurs de l’école, moi compris, sont mutés à Marrakech […].
Avec Blaize, je retourne à Meknès et là nous commençons à penser à continuer la lutte. Une atmosphère de méfiance existe et nous ne savons guère à qui nous fier. Parmi mes élèves, deux se joignent à nous, l’aspirant Poisat [sic] et l’aspirant Donnadieu. Nous songeons à nous évader et nous comprenons que cette opération sera de plus en plus difficile. Les avions sont peu à peu tous mis hors d’usage.
Nous mettons au point notre projet et le sergent mécanicien Romuald se joint à nous (très utile pour la préparation de l’avion).
Notre dévolu se porte sur un bimoteur « Goéland » tout neuf, lui aussi mis « hors service » ; les filtres d’huile et d’essence ont été retirés et sont dans une chambre forte. Les bouteilles d’air du démarreur sont vides et les hélices sont bloquées au grand pas. Un avion similaire avait eu une panne sur un aérodrome satellite ; depuis une quinzaine de jours, nous en profitons pour lui prélever les pièces manquantes.
L’atmosphère est de plus en plus à la méfiance. Le Commandement met Blaize et moi aux arrêts.
Poisat et Donnadieu ont une clef et c’est dans la chambre d’arrêt que nous mettons les derniers détails au point. Le départ est pour le 3 juillet à 6 h du matin, heure de changement de garde. Poisat arrive à 5 h 50 avec une section de tirailleurs ; il leur fait ouvrir les portes du hangar, pousser les avions qui gênent et mettre le Goéland face à la porte. Blaise a passé avec Romuald la nuit dans le Goéland ; ils ont regonflé les bouteilles avec la pompe à main. Tout est prêt, l’effet de surprise est total. Blaize met le moteur en route (les hélices avaient été remises au cours de la nuit) sans attendre l’avion roule, je saute le dernier car je suis le seul armé.
Les cent premiers mètres faits, nous nous sentons mieux ; je prends les commandes au poste de pilotage gauche, Blaize à droite. Un seul moteur était parti, nous réussissons à démarrer l’autre et nous fonçons vers l’extrémité de la piste.
Point fixe très écourté et nous décollons en revenant vers les hangars. Tout se passe comme un charme, il est vrai que nous sommes deux pilotes entraînés au maximum.
Nous prenons de l’altitude et filons vers le nord, nous évitons le Maroc espagnol et gagnons la Méditerranée au dessus de laquelle nous mettons cap à l’ouest pour Gibraltar. Quelques bateaux à l’horizon, nous les contournons très largement, on ne sait jamais. L’énorme rocher nous apparaît, par prudence nous sortons le train et battons des ailes.
Entre le rocher et la péninsule une languette de terre plate existe ; nous pensions nous poser sur le rocher ; quelle aubaine, à notre surprise un beau terrain d’atterrissage nous montre le chemin. Au sol, c’est on ne peut plus curieux, des gens agitent des casquettes et d’autres nous tirent à la mitrailleuse ; les virages serrés que nous faisons pour reconnaître le terrain nous ont, je crois, évité le pire. Nous nous posons de l’Atlantique vers la Méditerranée ; un « cheval de bois » limite notre course ; nous arrêtons les moteurs et nous voici entourés d’Anglais en uniforme. La partie est gagnée. En charabia, mon anglais d’école n’étant pas sensationnel, nous apprenons que les gens que nous voyons derrière cette barrière sont des Espagnols, que la moitié environ de la partie plate est espagnole, et que les postes de DCA que nous voyons sont maniés par des Allemands. Quelques jours auparavant, ils ont descendu un Glenn Martin. Qu’importe, nous sommes arrivés ; il est 7 h 15 le 3 juillet 1940.
Après nous avoir demandé nos appareils photos et mon revolver, les Anglais nous conduisent au Mess où nous attend un bon breakfast.
Surprise agréable, marque de confiance, on nous rend notre matériel photo et revolver puis on nous conduit à l’Amirauté. Là, nous avons la surprise d’y être reçu par un commandant français Pijeaud .
Il nous demande ce que nous venons faire ici et sermonne Blaize qui porte des espadrilles ; nous lui expliquons que c’était bien plus utile que de grosses godasses quand on est dans un avion, la nuit, dans un hangar gardé.
Après nous avoir fait marcher un peu, il se met à sourire et cette fois à nous complimenter sur notre comportement, nous apprend l’initiative d’un certain général de Gaulle et nous remercie en son nom d’apporter au mouvement de la France libre 2 pilotes confirmés, 2 aspirants, un mécanicien et un beau bimoteur tout neuf qui s’avérera très utile plus tard à Odiham comme avion-école."
De Gibraltar Émile Poizat rejoint l’Angleterre par voie maritime.
A son arrivé à Londres, il signe le 19 juillet son acte d’engagement au sein des Forces françaises libres.
Après avoir été intégré à l’École de pilotage à Saint Athan du 20 juillet à novembre 1940, il poursuit sa formation à l’École de pilotage franco-belge à Odiham jusqu’au 28 février 1941.
Émile Poizat a signé à Odiham, le 7 février 1941, un nouvel acte d’engagement dans les Forces françaises libres sous le nom de Jacquier Jean.
C’est sous ce nom d’emprunt qu’il est affecté à la 1ère Compagnie d’Infanterie de l’Air le 1er mars 1941.
Il rejoint alors l’École de parachutistes de Ringway où il est breveté le 1er avril 1941, avant de retrouver la 1ère CIA à Inchmery-House, près d’Exbury.
Le 9 avril 1941, les Forces aériennes françaises libres actent auprès des Forces Terrestres en Grande-Bretagne que le "Sous-Lieutenant Poizat Émile Mle 30355 a pour pseudonyme : Jacquier Jean, même matricule "
Avec son unité, Jean Jacquier rejoint Glasgow le 20 juillet 1941 et prend la mer en direction du Levant. Il débarque à Suez le 10 septembre, et de là, il rejoint par voie ferrée Damas où il stationne sur la base aérienne de Mezzé jusqu’au 25 décembre. Pendant cette période, il est formé avec ses camarades "à l’étude de la conduite de tous les véhicules […] et sur la mise en œuvre de toutes les armes d’infanterie […] ainsi que sur le combat individuel ou par équipe isolées. "
Fin décembre, il fait mouvement vers Kabrit avec son unité.
Il participera aux opérations sur les arrières ennemies lors des Campagnes de Libye, Tripolitaine et Cyrénaïque.
Le 15 décembre 1942, il embarquera de Suez pour l’Afrique du Sud où il reste quelques temps hospitalisé à Cape Town, puis il atteint New York avant de rejoindre, le 17 août 1943, Liverpool.
Le 1er septembre 1943, il reprend par décision officielle son véritable nom : Émile Poizat.
D’abord affecté à la Compagnie d’Infanterie de l’Air à Camberley, Émile Poizat est successivement détaché à la MMLA (Mission Militaire de Liaison Administrative), puis au 3e Bataillon d’Infanterie de l’Air à Auchinleck, avant de l’être comme officier de liaison à la 1ère Division Aéroportée Britannique.
En août 1944, Émile Poizat est parachuté en France avec 4 SAS du groupe Phantom pour l’opération WOLSEY, une mission de renseignement sur les mouvements des troupes ennemies dans l’Oise.
Le 9 septembre, il regagne l’Angleterre et est dirigé vers le camp de Fairford, puis sur Plymouth d’où il rembarque le 10 pour la France. A son arrivée à Avranches, il rejoint à Fontenay-le-Comte, la 3e compagnie du 3e RCP avec laquelle il participe aux opérations du secteur nord de La Rochelle.
Le 22 octobre, Il se dirige avec son unité vers Épernay..
Le 15 janvier 1945, il reçoit une affectation à la D.G.E.R. , le 5 mars, il part pour une mission à Diersen en Bavière avec l’O.R.C.G. groupe de recherche détaché à la 2e DB, puis il rejoint Constance avec son unité.
Le 10 octobre 1945, Émile Poizat rejoint le 2e RCP, il poursuivra alors son engagement militaire jusqu’en 1964, notamment en Indochine de 1954 à 1958.
Citation à l’ordre de l’Armée – Décision n° 726 en date du 17 mai 1945 - J.O. du 17 avril 1946
“Excellent officier parachutiste ayant rejoint les Forces Françaises libres en juillet 1940 en s’évadant du Maroc à Gibraltar sur un avion sommairement mis en état de marche.
À pris part avec le 1e S.A.S. aux opérations de Libye et Tripolitaine et s’est distingué particulièrement en juin 1942 où avec 5 hommes il attaque l’aérodrome allemand de Barce, près de Benghazi où 18 avions ennemis furent détruits au sol malgré une très forte opposition de l’ennemi.
Parachuté en France en août 1944 avec une équipe “Radio” a fourni de précieux renseignements sur les objectifs militaires à bombarder par la R.A.F.”.