APPRIOU Jean-François

Jean-François Appriou naît le 25 janvier 1921 à Landéda, Finistère.
Il grandit en Bretagne où il effectue sa scolarité et obtient son baccalauréat.

Le 17 juin 1940, il entend le discours du Maréchal Pétain à la radio appelant à cesser le combat. Ne pouvant accepter la honte de l’armistice annoncé, il prend la décision de quitter immédiatement la France pour rejoindre l’Angleterre. Le 19 juin 1940, au départ de l’Aber Wrac’h, il monte à bord du chalutier le « Lucien Gougy » avec 24 autres jeunes patriotes. Au terme d’une périlleuse traversée de la Manche, les jeunes volontaires arrivent à Plymouth, et Jean Appriou gagne Londres.
Il signe son acte d’engagement au titre des Forces françaises libres le 1er juillet 1940 (matricule FFL 38 851) et incorpore la Légion.
Quittant l’Angleterre à destination de l’Afrique le 29 août 1940, il arrive à Douala au Cameroun et est désigné pour suivre l’École des officiers de Brazzaville dont il sortira Aspirant le 16 juillet 1941.

Un mois plus tard, le jeune aspirant Appriou est désigné pour servir aux troupes du Levant en Syrie. Il quitte alors Brazzaville le 9 août 1941 pour le Levant par le Congo belge. Arrivé à Beyrouth au mois de septembre 1941, il est affecté au 3e Bataillon de Marche, au sein duquel il sert jusqu’au 22 janvier 1942, date à laquelle il est affecté aux Forces françaises d’Océanie.
L’année 1943 marque un tournant dans sa carrière militaire car revenu en Grande-Bretagne, Jean Appriou est muté aux Forces aériennes françaises libres le 17 juin 1943. Engagé au 2e Régiment de Chasseurs Parachutistes (4th SAS), il rejoint Largo en Ecosse où il suit le dur entraînement de la 1ère Brigade Indépendante de Parachutistes Polonais, obtient son brevet (Stage 64) et achève sa formation à la Parachute Training School de Ringway d’où il sort breveté parachutiste (n° 2178) le 16 juin 1943.
Poursuivant la préparation extrêmement exigeante délivrée par leurs instructeurs anglais, Jean Appriou et ses camarades terminent leur formation SAS et sont désormais rompus aux différents aspects de la technique du « hit and run ».
Le jour J approche et les hommes du 4th SAS savent qu’ils vont bientôt revoir la terre de France. Jean Appriou, dont les qualités de courage et de sang-froid vont bientôt être remarquées des hommes placés sous son commandement, a été désigné, en tant qu’officier, chef de stick, et reçoit ainsi son ordre de mission. Le départ pour la France est imminent.

Dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, les 18 sticks de l’opération Cooney-Parties du 4th SAS du commandant Bourgoin sont largués en Bretagne, sur le secteur de Saint-Marcel. En sa qualité de chef de Stick Cooney 416, le sous-lieutenant Appriou a pour première mission de couper les voies de communication dans la région de Dinan. Arrivés sur zone, après avoir saboté la voie ferrée Dinan-La Brohinière, les hommes du Stick Appriou se replient et trouvent refuge dans une ferme près de Plouasne, puis sont hébergés pour la nuit à Caulnes, chez Grégoire Boucher, un menuisier, chef de la Résistance locale. Cachés au grenier, Jean Appriou et son camarade de stick Auguste Le Duizet s’apprêtent à prendre un peu de repos lorsque surgissent au rez-de-chaussée des soldats allemands qui fouillent les maisons une à une à la recherche de moyens de transport.
Le rez-de-chaussée de la maison de Grégoire Boucher est fouillé minutieusement et pour les deux parachutistes cachés au grenier, sans aucune échappatoire possible, la probabilité d’être découverts semble inéluctable. Cependant, par un incroyable coup de chance, les Allemands ne pensent pas à demander à Grégoire Boucher d’ouvrir la trappe qui mène au grenier. La fouille s’achève et les Allemands quittent la maison sans avoir découvert le grenier. Le sous-lieutenant Appriou et Le Duizet ont été sauvés de justesse par la distraction des soldats concentrés sur la fouille du reste de la maison.
Les deux parachutistes quittent la maison de Grégoire Boucher le lendemain, et le reste du stick rassemblé procède dans les jours qui suivent à de nouvelles opérations de sabotage, harcèle l’ennemi, forme et instruit les maquis avec lesquels ils ont établi le contact puis, le 15 juin, ils rejoignent le Stick du capitaine Legrand à Saint-Gilles-du-Mené.
Ayant appris la dispersion des bases Samwest et Dingson, les chefs de Sticks Appriou et Legrand prennent la direction de Merdrignac et poursuivent leurs opérations de sabotage des voies de communication. Au matin du 3 août, le sous-lieutenant Appriou et le capitaine Legrand entrent dans Merdrignac mais doivent essuyer une forte résistance ennemie qui déclenche une contre-attaque aussi violente que soudaine. Jean Appriou démontrant une nouvelle fois un sang-froid et un calme remarquables, organise immédiatement la riposte, donne l’ordre à ses hommes d’ouvrir le feu, parvient à neutraliser la contre-attaque ennemie et tient la défense de Merdrignac jusqu’à l’arrivée des troupes américaines du général Patton. La ville sécurisée, Jean Appriou procède à une mission de reconnaissance en avant d’un détachement américain qui doit atteindre la ville de Brest.
Cette mission se révèlera décisive dans la bonne progression des soldats américains jusqu’à Brest.

Le 29 août débute l’opération Spenser au sud de la Loire. Pour Jean Appriou et ses camarades du 2e RCP, l’objectif de la mission est de couper le repli des Allemands vers le nord suite au Débarquement allié de Provence, et de les harceler du Sud-Ouest au Nord-Est en leur infligeant un maximum de pertes.
Équipés de 54 jeeps armées de mitrailleuses Vickers, et accompagnés de camions de matériel et de ravitaillement, les parachutistes ont reçu pour ordre du commandant Bourgoin de longer la Loire afin d’opérer au sud de Bourges.
Depuis plusieurs jours, le sous-lieutenant Appriou à la tête d’un peloton de jeeps, patrouille avec ses hommes dans le secteur de Blet et de Dun-sur-Auron.
Après avoir mis hors d’état de nuire plusieurs officiers allemands lors d’un violent accrochage, le peloton se distingue à nouveau dans la nuit du 8 septembre au cours d’une embuscade contre un important convoi ennemi. Les parachutistes ouvrent le feu et parviennent à neutraliser plus de 40 soldats ennemis à la mitrailleuse. Ce nouvel acte de bravoure lui vaudra une deuxième citation à l’ordre de l’armée. (Journal officiel du 5 février 1945).
Les jours suivants, le peloton multiplie les missions de reconnaissance, de sabotages et d’attaques, avant d’atteindre le PC établi par le commandant Bourgoin à Briare. Le 14 septembre, l’opération Spenser est terminée.
Au mois d’octobre, les parachutistes sont regroupés en Champagne où ils sont mis au repos.

Rapatriés en Angleterre depuis le début du mois de février 1945, les SAS français ont repris l’entraînement auprès de leurs instructeurs anglais, lorsqu’à la mi-mars, ils sont de nouveau mis en alerte.
A la demande de la reine Wilhemine des Pays-Bas, les SAS reçoivent pour ultime mission de faciliter la progression de la 1ère Armée Canadienne vers la mer du Nord en sécurisant les ponts et aérodromes menacés de destruction par les troupes allemandes, tout en causant un maximum de confusion sur les arrières ennemis.
Dans la nuit du 7 au 8 Avril 1945, 705 parachutistes du 2e et 3e RCP sont largués en Hollande dans le cadre de l’opération Amherst.
Le lieutenant Appriou qui a sous son commandement un stick de 15 hommes (Stick n°2, 1st Squadron) est parachuté en province de Drenthe. Une fois au sol, débute alors pour les Français le difficile repérage de cette terre inconnue sur laquelle ils doivent opérer.
Dans ses Mémoires, Jean Appriou décrit ces premiers instants sur le sol hollandais : « Le rassemblement des hommes a posé quelques problèmes. En cette nuit d’avril le temps couvert a obligé l’avion à nous lâcher à haute altitude, les hommes sont tombés, dispersés au sol et se retrouvèrent difficilement. Quant à l’identification de notre point de chute, elle n’a pas été facile non plus. Une ferme ressemble à une autre ferme et un moulin à n’importe quel moulin. Les canaux, par leur similitude et leur grand nombre, furent encore une source de confusion. Les routes, les villages, les chemins ne portent aucune indication de nom, tout a été camouflé par l’ennemi. Je décide d’attendre l’aube qui ne va pas tarder.
A ma grande surprise, je constate que j’ai été bien largué sur la zone prévue, loué soit le navigateur de la RAF. »1
Le lieutenant Appriou s’inquiète pour les membres de son stick qui manquent à l’appel.
Mais il faut se mettre en route sans plus tarder. Ayant appris par un Hollandais la présence d’Allemands à Gieten, Jean Appriou et ses hommes décident de s’y rendre sans délai. Arrivés aux abords de la ville, ils doivent aussitôt engager le combat contre l’ennemi. Ils neutralisent deux Allemands, récupèrent des documents, puis décrochent et rentrent au PC où ils ont la joie de retrouver le reste du stick ainsi que les chefs de Sticks Legrand, Gramond et Stéphan.
Le secteur de Gasselte, Gieten, Rolde et Borger est choisi pour mener les opérations à venir.
Le 8 avril à la tombée de la nuit, le groupe des officiers Gramond, Legrand, Stephan et Appriou constitué d’une soixantaine d’hommes décide de monter une embuscade sur la route Borger/Gieten.
Jean Appriou relate dans ses Mémoires : « L’approche en direction de la route se fait à la tombée de la nuit. Notre itinéraire nous mène à travers bois, longeant des propriétés dissimulées çà et là. Le groupe est trop important et la progression s’en ressent. Elle est lente et difficile à camoufler.
Nous nous trouvons devant une maison que l’on devine à peine dans les arbres et dans l’obscurité. Pourquoi cette maison retient-elle notre attention alors que rien ne s’y manifeste ? Legrand décide de la faire reconnaître avant de reprendre notre progression.
Le sergent Laisné et un homme sont désignés pour cette inspection.
La petite patrouille se présente dans la cour et dans le jardin de la propriété où elle est accueillie par des coups de feu partis d’une fenêtre du premier étage. Le sergent Laisné est tué par les premiers coups de feu. Ce jeune sous-officier est le premier mort de notre détachement.
Nous sommes dans l’ignorance de l’effectif ennemi dans cette maison. Mais une chose est désormais certaine, l’alerte est donnée et il n’est plus question de réaliser l’embuscade prévue, aucun effet de surprise n’étant possible. » 2
Suite à cet évènement tragique, les hommes n’ont d’autre choix que de rentrer au PC où les opérations des jours suivants sont planifiées.
Le 9 avril, alors qu’ils évoluent avec précaution dans Gasselte avant de déclencher l’attaque contre des éléments allemands du NSKK, les Sticks Appriou et Legrand accompagnés par un détachement des Sticks Gramond et Stefan venu leur prêter main forte, sont soudain confrontés aux tirs ennemis :
« Au cours de notre progression dans les jardins de Gasselte, nous sommes pris sous le feu de l’ennemi et nous devons utiliser au mieux les ressources du terrain.
Briand et moi, avancions côte à côte lorsqu’une rafale de mitrailleuse nous éclabousse de terre. Aussitôt, nous nous couchons et rampons vers un arbre qui serait une bonne protection.
Les circonstances voulurent qu’à ce moment, Briand et moi, nous nous camouflions derrière le même arbre. Devançant un peu mon camarade, je pris position, allongé au pied du tronc sur le côté droit de celui-ci. Alors qu’une nouvelle rafale crépite, Briand n’a plus que la ressource d’occuper le côté gauche du même tronc.
Ainsi, l’un près de l’autre, nous tiraillons de notre mieux pour répondre au tir de l’ennemi ; mais Briand qui n’était pas gaucher, se trouvait dans une position bien inconfortable pour tirer et chaque fois qu’il faisait feu, il devait se démasquer dangereusement pour viser.
Dans l’immédiat il n’était pas possible de remédier à cet inconvénient, tant le feu ennemi était nourri. Nous étions cloués de part et d’autre de l’arbre. Aussi je ne fus pas totalement surpris lorsque le sergent Briand me dit « je suis touché ».
Profitant d’une accalmie il recula pour mieux se protéger en se mettant juste dans l’axe du tronc, et le combat continua sans Briand auquel je ne pouvais apporter aucun secours ; j’ignorais quelle était la nature de sa blessure.
Puis le combat se termina à notre avantage. A ma grande surprise, le sergent Briand s’était relevé et nous rejoignait. Inquiet, il se tâtait, cherchant à s’expliquer le choc qu’il avait ressenti tout à l’heure au pied de l’arbre.
Il finit par remarquer que sa tenue léopard était trouée à hauteur de sa poche gauche, son blouson de battle-dress également. De plus en plus intrigué, il pousse plus avant ses investigations. De la poche intérieure de son blouson, il retire le portefeuille, percé de la même façon. Il l’ouvre, le déploie, exhibe ses papiers personnels, déchirés, et découvre, logée dans le dernier compartiment de son étui, une balle allemande qui y avait miraculeusement terminé sa course.
Perplexe, Briand la tourna, la retourna, maintes fois dans sa main et tout simplement déclara « celle-là je la conserverai précieusement. » 3
L’assaut de Gasselte est un succès pour les SAS qui ont causé de nombreuses pertes chez les Allemands, obtenu leur reddition et fait plusieurs prisonniers.
Mais les parachutistes ont eu la peine de voir l’un des leurs, le caporal Fernand Bégue, être tué durant l’assaut par une balle ennemie.
Ses camarades ramèneront son corps à leur PC où il sera inhumé dans son parachute.
Le 10 avril, une nouvelle embuscade est montée sur la route Borger-Rolde à l’issue de laquelle un officier allemand de l’Organisation Todt est blessé et capturé.
Et le 14 avril, les Français sont enfin rejoints par les Canadiens dont ils ont protégé la progression depuis leur arrivée sur le sol de Hollande.
Pour Jean Appriou et ses camarades, l’opération Amherst s’achève. Bien qu’ayant payé un lourd tribut, ils ont une nouvelle fois infligé de lourdes pertes à l’ennemi, tenu les objectifs fixés et accompli pleinement leur mission.
Regroupés à Nimègue, la totalité des sticks du 2e et 3e RCP sont ramenés quelques jours plus tard en Angleterre.
Au sortir de la guerre, il se marie et fonde une famille avec deux enfants.

Jean Appriou décède le 9 décembre 1990.

Citation à l’ordre de l’Armée – Décision du 5 février 1945 :
Le lieutenant APPRIOU Jean du 2e Régiment Parachutiste :
« Officier parachutiste d’un courage exemplaire, très calme et très froid. S’est de nouveau distingué dans la campagne du Sud de la Loire, en septembre 1944 à la tête d’un peloton de jeeps armées. Notamment le 8 septembre 1944, près de Blet et Dun-sur-Auron (Cher) où au cours d’une embuscade de nuit, il a tué plus de 40 ennemis à la mitrailleuse. »

Notes :
1, 2 et 3 : Jean-François Appriou, Mémoires, Tome 3 chapitre : « En route vers le pays des tulipes et canaux ».

Publiée le , par ASTERIX01, mise à jour

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Sources - Liens

Service historique de la Défense, GR 16P 5741
Comité historique de l’AFPSAS - Archives privées famille.
Photo @ archives privées famille.