SAVANNA

Du 15 mars au 5 avril 1941 - Elven (56)

La mission «  SAVANNA  », parfois orthographiée « SAVANNAH », fut la première mission commando parachutée en Europe occupée par les troupes allemandes.
Elle fut mise en place dans la nuit du 15 au 16 mars 1941, et organisée par les services secrets de la France libre, dirigé par le capitaine André Dewavrin alias Passy.

OBJECTIF DE MISSION

Cette mission avait été commanditée par le S.O.E britannique (Special Operations Executive) dans le but de neutraliser les pilotes d’une escadrille de bombardiers de la Luftwaffe, le KG 100 stationné sur l’aérodrome de Vannes-Meucon et dont l’action présentait une grande menace pour le bombardement des villes anglaises :
Effectivement, les renseignements indiquent que l’une des escadrilles de bombardiers allemands a la particularité de servir d’éclaireurs afin de marquer des cibles au moyen de bombes incendiaires, permettant ainsi d’orienter les escadrilles conventionnelles vers les cibles à atteindre.
Fin 1940, l’Air Ministry presse les services secrets britanniques de trouver une solution efficace qui permettrait de mettre hors d’état de nuire l’escadrille Kampfgeschwader 100. Or, à cette période de la guerre, le SOE ne disposant pas d’effectifs pour mener à bien à cette mission, il se tourne alors vers les parachutistes de la France libre, seuls capables de réaliser ce type de mission. Le plan du SOE soumis à Passy consiste à parachuter à proximité de Vannes une équipe de saboteurs dont l’objectif est d’attaquer sur le trajet, au moyen d’explosifs disposés sur la route, l’autocar qui conduit les aviateurs à leur aérodrome. Passy qui accepte, doit néanmoins en référer à son supérieur, le général de Gaulle qui lui formule un accord de principe. Après quelques mésententes entre la France libre et les représentants britanniques quant aux modalités techniques d’acheminement de l’équipe de saboteurs, la décision est prise de lancer une opération conjointe entre le SOE et la France libre.

PRÉPARATION DE LA MISSION

Début 1941, c’est au capitaine Georges Bergé - alors à la tête de la 1ère compagnie d’infanterie de l’air, créée en septembre 1940 - que revient la charge de prendre le commandement de la mission SAVANNA . Pour se faire, il dispose de l’effectif de sa Compagnie, composée de parachutistes fraîchement brevetés comme lui en décembre 1940. Pour mener à bien l’opération, le capitaine Bergé doit choisir quatre de ses subordonnés en vue de les envoyer dans les camps d’entraînement du SOE, dans lesquels sont dispensées des formations très poussées dans le domaine du sabotage.
Outre le capitaine Bergé, l’équipe Savannah se compose comme suit :
 le sous-lieutenant Jean Petit-Laurent
 le sergent Jean Forman
 le sergent Joël Le Tac
 le caporal Joseph Renault

Pour parvenir à leur but, les membres de l’opération SAVANNA se familiarisent à l’emploi d’une nouvelle génération d’engins explosifs confectionnés par les spécialistes du SOE et consistant à disposer sur la route un instrument piégé qui dans le cadre de la mission SAVANNA, devra exploser lorsque les roues de l’autocar transportant les aviateurs actionneront le mécanisme de mise à feu. Ce dispositif de piégeage sera conçu spécialement pour cette opération.
Après plusieurs discussions concernant les problème techniques et moraux, le chef de la mission SAVANNA, le capitaine Bergé, est convoqué le 2 mars 1941 rue Baker Street à Londres, au siège du SOE pour prendre connaissance précisément des modalités de la mission et du lieu de largage dans le Morbihan. Le 13 mars, l’ensemble de l’équipe est réunie pour s’entretenir sur les objectifs de la mission et écouter les dernières recommandations.

LA MISSION

Le 15 mars 1941, après avoir revêtus leurs vêtements civils et préalablement supprimé tout signe distinctif renvoyant aux origines anglaises des vêtements, les agents français de la mission SAVANNA sont discrètement conduits à l’aérodrome Stradishall appartenant à la RAF et situé dans le comté du Suffolk. Vers 19h45, ils enfilent une combinaison et un casque de protection afin de porter un semblant d’uniforme, puis embarque dans un bombardier moyen A.W. 38 Whitley converti en largueur de parachutistes, capable de voler de nuit et rattaché aux opérations spéciales du SOE. Afin de donner l’illusion aux Allemands qu’il s’agit d’un simple raid aérien nocturne, le bombardier Whitley transportant les parachutistes de la France Libre est accompagné de bombardiers conventionnels de la RAF chargés d’effectuer un raid sur l’aérodrome de Meucon. Après s’être détaché du groupe de bombardiers, le Withley des opérations spéciales largue les cinq parachutistes de la mission SAVANNA ainsi que le matériel vers minuit, en « blind » c’est-à-dire à l’aveugle, sans indication au sol, ni comité de réception.
Ainsi, l’équipe de la mission SAVANNA se retrouve dans le secteur d’Elven à plus de sept kilomètres de la drop zone (DZ) initialement prévue.
Une fois au sol, l’équipe parvient néanmoins à se rassembler et à prendre possession du matériel largué avant de le dissimuler. Au matin du 16 mars 1941, les membres de l’équipe prennent contact avec des fermiers qu’ils estiment sûrs, afin de trouver une cachette et glaner auprès d’eux des informations utiles sur la présence allemande dans le secteur. Le capitaine Bergé demande également au sous-lieutenant Petit-Laurent de partir en mission de reconnaissance à Vannes. Après avoir repéré l’hôtel où logent les aviateurs de l’escadrille Kampfgeschwader 100, le sous-lieutenant Petit-Laurent surveille les allers et venus des aviateurs et les mouvements des autocars. De retour de Vannes le soir-même, la capitaine Bergé estime que les renseignements collectés par Petit-Laurent sont incomplets et le renvoie en mission dès le lendemain. Petit-Laurent a pu cependant rapporté à son supérieur que les renseignements dont disposaient les services à Londres, étaient désormais périmés. Au bout de deux jours, ne voyant pas réapparaître Petit-Laurent, Bergé décide d’annuler la mission et ordonne aux membres de l’équipe de se disperser en attribuant à chacun une mission de renseignement à réaliser. D’autre part, il fixe au préalable une date et un point de rassemblement en vue de l’exfiltration de l’équipe par sous-marin. Cette opération d’embarquement doit avoir lieu dans la nuit du 4 au 5 avril 1941 depuis une plage de Saint-Gilles-Croix-de-Vie en Vendée, ce qui laisse une quinzaine de jours aux membres de l’équipe pour leur mission de renseignement et de prise de contacts en France occupée.

Le capitaine Bergé se dirige vers le sud-ouest et plus particulièrement le secteur de Mimizan dans les Landes alors que Jean Forman est envoyé sur Paris. De leur côté, Joël Le Tac et Joseph Renault restent en Bretagne, le premier va sur Rennes établir des contacts et le second doit se concentrer sur Vannes et l’aérodrome de Meucon.
A la date fixée pour l’exfiltration, seuls Bergé, Forman et Le Tac sont présents au point de ralliement. L’équipe doit être récupérée par un sous-marin de la Royal Navy, le Tigris, qui met à l’eau une embarcation chargée de ramener les agents à bord. Compte tenu de l’étroitesse de celle-ci, seuls Bergé et Forman peuvent prendre place à bord. Le sous-marin est contraint d’abandonner Le Tac sur la plage. Ce dernier décide de quitter les lieux et de se rendre à Paris où il prend contact avec son frère, Yves. Ensemble, ils tenteront de réitérer en vain, l’exécution de la mission de sabotage SAVANNA.

RETOUR A BORD DU TIGRIS

A bord du Tigris, le capitaine Bergé profite du voyage retour vers l’Angleterre pour rédiger un rapport sur l’opération SAVANNA dans lequel il consigne observations et renseignements de terrain collectés tout au long du séjour de l’équipe en France occupée. Ces précieux éléments donnent une représentation alors inconnue de la France occupée au SOE en ce début 1941. Même si l’objectif principal de la mission SAVANNA n’a pas été rempli, il n’en demeure pas moins une première qui a permis aux services secrets de la France Libre de s’affirmer militairement auprès de son allié britannique et d’être reconnue incontournable pour la suite des opérations...